En quoi et pourquoi la façon de penser et, donc, d’exprimer cette pensée, est-elle différente en français et dans les langues germaniques?

Ces différences résultent
1. des aléas de l’histoire, d’une part
2 . de la différence culturelle, d’autre part

Les aléas de l’histoire de la langue

En fait, la façon de s’exprimer en néerlandais et en anglais est très proche de la façon de s’exprimer en français populaire ou dialectal.
Le fossé entre le français populaire, qui lui aussi utilise des phrases simples (par suite de la nécessité = comme je dois aller, il m’est impossible de = je ne peux pas…), des questions indirectes (permanences = qui sera là et quand, délai = combien de temps, etc.) et des images (supprimer = « fout evoy », wegdoen, to do away with), et le français éduqué s’est creusé après la publication du premier traité philosophique en français et non en latin, comme cela avait été le cas jusqu’alors.

Ce traité était le Discours de la Méthode de Descartes publié en 1620. Il donna au français ses lettres de noblesse à tel point qu’ au 18ème siècle le français était devenu la langue internationale de tous les « gens bien », de tous ceux qui avaient fait des études : Catherine II de Russie invitait Voltaire, Frédéric II de Prusse parlait français, toute l’élite intellectuelle européenne parlait français.

Les différences entre les langues germaniques et le français sont aussi le reflet des différences entre la culture anglo-saxonne et la culture latino-française.

La façon de s’exprimer dans une langue reflète une façon de penser, de vivre, bref une culture.

Quelles sont les différences entre la culture anglo-saxonne et la culture latino- française ?

Essentiellement, une façon différente d’aborder les choses :
d’une part, l’amour franco- latin du jeu intellectuel, improvisé avec des concepts et des mots abstraits,
d’autre part, le pragmatisme anglo-saxon qui va droit à l’essentiel

Pour illustrer ce propos, comparons deux philosophes, René Descartes et Francis Bacon.

Dans le Discours de la Méthode, qui faisait suite aux nombreuses découvertes de la Renaissance, Descartes avait pour but de donner aux scientifiques de son temps une méthode qui leur permette de faire encore davantage de découvertes.
La méthode repose sur un axiome :
• « je pense donc je suis » : le critère qui fait qu’une chose existe ou pas est que j’en aie une idée claire et distincte.
L’idée que je me fais de quelque chose est donc le point de départ de ma réflexion. Or, en français, contrairement à l’anglais, nous commençons souvent nos phrases en exprimant notre point de vue, avant de dire ce dont nous parlons.

et

• préconise le raisonnement logique, mathématique comme le meilleur moyen d’arriver à la connaissance.
Démontrer l’hypothèse intellectuellement, abstraitement est l’essentiel.
Si vous réfléchissez quelque peu à la façon dont vous vous exprimez en français et, sans nul doute, si vous comparez à la façon anglo-saxonne d’exprimer la même idée, vous constaterez ce caractère abstrait du français.

Il y a quelque temps, je travaillais avec un jeune garçon de 14 ans qui devait pouvoir résumer un texte en anglais sur les super- volcans. Dans son texte original se trouvait la phrase :
« According to scientists, super-volcanoes erupt about every 600.000 years”, qui fut reprise telle quelle dans son résumé. Quelques jours plus tard, je lui demande de restituer son résumé, il s’arrête, je lui demande s’il ne se souvient plus, si, me dit-il, mais je ne sais comment dire en anglais.
Dis-le moi en français, lui dis-je.
« Eh bien , le cycle régulier d’éruption des volcans est de 600.000 ans. »

A cet égard, un auteur anglais qui vivait en France (DH Lawrence, l’auteur de Lady Chatterley) a un jour dit à propos des français : Ils sont voués à être abstraits. Leur parler, c’est comme essayer d’avoir une relation avec la lettre x en algèbre.

Un peu avant que Descartes n’écrive son Discours de la Méthode, un philosophe anglais, Francis Bacon avait rédigé sa méthode à lui (The Advancement of Learning (1605-1625) pour arriver à la connaissance. Ce qu’il préconisait était l’opposé de ce que disait Descartes :
Concentrez-vous sur le sujet, observez, expérimentez, induisez une règle et testez si votre règle s’avère vraie dans différents contextes.
De même,  contrairement au français, le néerlandais et l’anglais vont droit à l’essentiel et commencent, donc, leurs phrases par ce qui est au centre de son attention : le sujet qui fait ou subit l’action.

Exemples:
– Il est possible qu’il faille modifier les quantités = de kwantiteiten moeten misschien gewijzigd worden/ The quantities may have to be modified ;
– Il n’était pas nécessaire de modifier le système = het systeem hoefde niet veranderd te worden / The system didn’t have to be modified / needn’t have been modified

Cette différence culturelle , à savoir, d’une part, l’amour franco- latin du jeu intellectuel, improvisé avec des concepts et des mots abstraits et, d’autre part, le pragmatisme anglo-saxon qui va droit à l’essentiel
s’exprime d’ailleurs dans d’autres domaines que la langue. Pensez à
la législation. Il y a quelques temps un ministre wallon a avoué que la législation sociale en matière de chômage comportait tellement de cas particuliers et d’exceptions que, sans simplification, elle était devenue inapplicable.
Peut-être est-ce parce que la réflexion ne part pas d’exemples concrets mais d’une règle tellement générale qu’il y a forcément des exceptions.

L’architecture et le design en général, la France, l’ Italie, l’ Espagne, les pays latins sont le berceau d’une foison d’idées nouvelles de décoration et comparez à l’architecture, au design fonctionnel dans les pays anglo-saxons ;

La cuisine : en France, en Italie, en Espagne, pour un même morceau de viande, vous aurez 200 recettes différentes ; dans les pays anglo-saxons, vous aurez 1 ou maximum 2 recettes différentes ;

La religion protestante qui prédomine dans les pays anglo-saxons est née au 16ème siècle de l’opposition au décorum de la religion catholique, du besoin anglo-saxon de simplicité, de se concentrer sur l’essentiel : le message de la bible.

Dans la culture anglo-saxonne, on n’a pas peur de faire des erreurs, dans la religion protestante, on avoue ses erreurs en public et elles vous sont pardonnées.

Le pragmatisme anglo-saxon et la religion protestante combinés à l’esprit d’entrepreneur qui caractérise les peuples maritimes expliquent pourquoi les anglo-saxons prennent plus facilement des risques et, dès lors, sont les premiers à concrétiser, à appliquer tant de découvertes scientifiques, technologiques, mais aussi de nouvelles idées en matière d’éducation , d’approche de problèmes sociaux et de gestion d’entreprise, même si elles sont nées en pays latins.
Vous avez une idée, vous trouvez assez facilement le moyen de la mettre en œuvre : les sociétés d’investissement de capital à haut risque, c’est-à-dire d’investissement dans des projets, existent aux Etats-Unis depuis 1948. Elles sont beaucoup plus récentes dans les pays latins et beaucoup moins nombreuses.

Vous comprenez maintenant pourquoi Op Zijn Nederlands Denken, Penser à la néerlandaise, tout comme Thinking the English Way , Penser à l’anglaise, c’est apprendre à

formuler sa pensée avec des phrases simples (sujet pouvoir / devoir verbe) et des questions (indirectes) plutôt qu’avec des substantifs abstraits :

Exemples:

Merci de nous confirmer la possibilité d’effectuer la livraison le 20  se dira Kunt u A.U.B. bevestigen dat de levering op de 20ste kan plaatsvinden /Could you please confirm that the delivery can take place on 20th.

Merci de me communiquer le lieu et l’heure de la réunion se dira Kunt u mij AUB laten weten waar en wanneer de vergadering plaatsvindt / Could you please let me know where and when the meeting is to take place.

•aller directement à l’essentiel : commencer ses phrases par ce qui est au centre de l’attention
Rappelez-vous : il est possible qu’il faille modifier les quantités  devient De kwantiteiten moeten misschien veranderd worden/ The quantities may have to be modified.

Utiliser dans la langue courante le vocabulaire anglo-saxon imagé.

Cliquez ici pour télécharger gratuitement le guide qui vous permettra d’éviter 100 erreurs souvent faites par des francophones en anglais ou le guide des structures de base en néerlandais.

- Écrit par Agnès Corbisier

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